Plus de dix ans après le début de la réforme de l’importation parallèle, seules quelques centaines de voitures se sont retrouvées par ce biais sur les routes du pays.
■ S’agit-il d’un nouvel Eldorado brûlant ou alors d’un pari qui ne peut qu’aboutir à de fortes pertes? Les avantages et les inconvénients.
Après de longues années de bavardages, il semble que l’importation parallèle de nouvelles voitures prend une réelle ampleur en Israël. Pour ceux qui l’auraient oublié, rappelons que cette notion concerne une importation commerciale et organisée de véhicules, qui démarre chez des commerçants et courtiers de l’étranger, sans passer par un contrat d’importation négocié directement avec le fabricant. Ce principe se distingue de l’importation individuelle, qui est une démarche privée, qui se limite à un véhicule unique et à l’usage d’un particulier.
Dans les méandres du ministère des Transports, sont déposées actuellement de nombreuses demandes d’autorisations d’importation parallèle, en partie par des acteurs connus dans la branche. De nombreux autres entrepreneurs tentent de tisser aujourd’hui un réseau de liens aux États-Unis et en Europe, dans l’objectif de renforcer à leur compte une source d’approvisionnement fiable et continue de véhicules neufs. S’agirait-il une fois de plus d’un ballon de baudruche ?
La réforme a dix ans
Plus de dix années se sont écoulées depuis le début de la réforme sur l’importation parallèle. Beaucoup ont l’impression que cette «trouvaille» date tout au plus de cinq ou six ans, de l’époque du ministre Israël Katz et des recommandations de la Commission Zilka, sous l’égide de Ron Zilka. Mais en vérité, elle remonte bien plus loin dans le passé.
Le mérite en revient officiellement au chef du département des impôts Éthane Rov et au vice directeur général de l’autorité de l’époque Boaz Sofer, qui, déjà en 2004, avaient fait part de leurs recommandations à ce sujet aux ministres des Finances et des Transports. Elles entraient dans le rapport de la «Commission pour l’application de changements structurels dans la branche de l’importation automobile».
Ce n’est qu’au début de la présente décennie que le ministère des Transports a commencé à appliquer les recommandations, mais cette fois sous l’impulsion des recommandations de la «Commission Zilka». Au cours des deux dernières années, le ministère des Transports est en guerre contre la commission des Finances afin de faire valider la «loi des services automobiles», dont l’un des thèmes principaux consiste à encourager l’importation parallèle par des allègements en faveur des importateurs parallèles et l’imposition de sanctions aux opposants. En supposant que le ministre des Transports sortant reparte pour un nouveau mandat au ministère, la validation de la loi sur le plan concret ne sera plus qu’une question de temps.
Toutes les démarches effectuées à ce jour n’ont apporté que de faibles résultats. Seules quelques centaines de voitures ont été importées par ces voies parallèles, la plupart par l’entremise de la société «Albar», qui investit d’énormes efforts pour camoufler les quantités qu’elle importe et revend. Une partie est introduite par la société «Ayalon Motors», pionnière en la matière.
Les différences de prix présentées par les deux précédents importateurs ne sont pas très significatives. Certes, les deux importateurs du réseau parallèle progressent principalement avec des modèles que les importateurs classiques ont délaissés jusqu’à présent, mais les tarifs des modèles présentés par l’importation parallèle et qui se retrouvent également auprès des importateurs classiques sont généralement moins élevés de 5% à 8%.
Il s’agit d’une fourchette qui équivaut aux baisses de pris commerciales couramment pratiquées par les importateurs classiques.
Alors, s’agit-il d’un nouvel Eldorado d’affaires ou d’un simple pari qui risque de se terminer avec de terribles pertes financières ? Pour le bien des futurs entrepreneurs et investisseurs potentiels, nous allons tenter ici de faire de l’ordre entre le pour et le contre, en comparant les chances aux risques dans la branche de l’importation parallèle en plein essor.
POUR : la monnaie, les opportunités et le régulateur
Deux puissants facteurs agissent sur la faisabilité de l’importation de n’importe quel véhicule en Israël : le taux de change et le prix d’achat. Lorsque le taux de change de l’importation est avantageux, la capacité d’achat de l’importateur parallèle s’améliore ainsi que la concurrence avec les «tarifs officiels» et fixes en général des importateurs israéliens, qui servent de point de comparaison pour les consommateurs. Le taux à lui seul ne suffit pas et il faut aussi rechercher des «affaires», des stocks et des véhicules à prix réduits à l’étranger.
Pour le moment, la matrice prix / taux de change est complexe.
Les États-Unis représentent le pays où il est possible de trouver les prix les plus bas du monde et les «stocks» les plus adéquats pour Israël.
Cependant, actuellement, le taux de change du dollar américain qui bat son propre record sur les dernières années, rabat considérablement la marge du bénéfice pour l’importateur. En revanche, l’Europe est considérée comme nettement plus chère. Par contre, le taux de l’euro a atteint une dépression historique. Si on y ajoute la récession économique en Europe, et les difficultés en Europe de l’Est, il semble qu’il y ait une opportunité ponctuelle pour repérer de «bonnes affaires», surtout dans la catégorie du luxe.
Un autre avantage non négligeable consiste dans le «parapluie de protection» qu’étend, ou que tente du moins d’étendre, le ministère des Transports au-dessus de la tête des futurs entrepreneurs. Il semble qu’un ministère entier mobilise ses ressources afin de venir en aide à cette radicule : les informations concernant les importateurs parallèles sont tenues secrètes, la normalisation de nouvelles voitures non encore importées à ce jour en Israël est règlementée dans un processus accéléré et avec davantage de souplesse, les autorisations d’importer sont généreusement et largement accordées, les plaintes contre des tentatives agressives d’entraver les affaires sont vérifiées, et ainsi de suite.
L’entrée prévisible du ministre Katz pour un nouveau mandat est sans l’ombre d’un doute une bonne nouvelle pour les entrepreneurs dans l’importation individuelle, ainsi que l’adhésion de l’autorité anti-trust, au moins au niveau des déclarations, à la liste des «défenseurs de l’importation parallèle.»
Ce dernier avantage consiste en une régulation qui permettra à l’avenir aux importateurs parallèles de monter des affaires sous la forme d’une «porte tournante», ce qui signifie importer une quantité limitée de véhicules, les commercialiser pour un bénéfice avantageux, puis disparaître, tandis que le seul risque consistera dans la forclusion de garantie de l’importateur d’une ampleur vraiment limitée. L’exécution de toutes les autres obligations publiques, comme l’octroi d’une garantie, la publicité de la marque, l’importation de pièces de rechange et autres, pourra se faire sur le dos des importateurs réguliers.
LES RISQUES : crédit, stocks condamnés et fabricants de voitures hostiles
L’achat de «stocks» de dizaines ou de centaines de voitures de l’étranger exige une fortune personnelle colossale, ou au moins un organisme de crédit prêt à courir le risque de financement et du taux en échange d’un intérêt confortable. Cela signifie qu’a priori, il s’agit d’une ère de jeu pour accros disposant de fortes sommes disponibles. En outre, une fluctuation défavorable du taux de la monnaie par rapport au shekel ou des prix de l’automobile peut surprendre un importateur parallèle avec un stock «condamné» de dizaines voire de centaines de voitures pour une valeur de dizaines de millions de shekels, dont le seul moyen de s’en débarrasser consiste à vendre à perte.
Le défi sérieux consiste à trouver des revendeurs à l’étranger disposant de modèles compatibles avec Israël et prêts à les exporter. Contrairement à un importateur régulier, qui peut commander directement des véhicules avec une fiche technique israélienne, l’importateur parallèle doit se trouver un revendeur prêt à prendre le risque de commander pour lui auprès du fabricant des modèles destinés à l’exportation.
Il s’agit d’un risque non négligeable : les fabricants de voitures ne sont pas assujettis au ministère des Transports israélien ni à ses caprices, et ils luttent aujourd’hui activement, intelligemment et délibérément, contre le «marché gris» de l’exportation, parfois sous l’égide des régulateurs de leurs pays d’origine. Un grand revendeur qui, à l’étranger, se ferait «attraper», en train de commercer avec Israël en passant par des filières détournées qui ne sont pas les circuits de distribution du fabricant, s’expose à de graves sanctions pouvant aller jusqu’à lui faire renoncer à son affaire.
Ceci explique pourquoi si peu de véhicules «parallèles» sont disponibles ici concrètement, et pourquoi celui qui veut travailler dans ce domaine doit développer des créneaux d’exportation détournés et des méthodes de dérobade à l’échelle mondiale, comme la fondation de sociétés de façade, qui vendent des voitures à d’autres sociétés de façade, ces dernières exportant les véhicules pour une destination internationale, qui n’est en fait pas la destination finale désignée.
Si vous avez déjà passé ce cap, il est probable que vous n’aurez pas un soutien particulièrement amical de la part des importateurs réguliers en Israël, car la mainmise d’une partie d’entre eux ne s’étend pas seulement sur les réseaux de vente mais également sur une partie des réseaux d’acquisition parmi les plus grands et les plus importants d’Israël, comme les sociétés de leasing, de location et les flottilles de véhicules. Et nous n’avons pas encore évoqué l’autorité de l’impôt, qui est susceptible à son tour d’éplucher minutieusement toute facture d’importation.
Ne vaut-il pas mieux attendre ?
Et qu’en est-il du consommateur ? Aurait-il intérêt à différer sa décision d’achat de nouvelle voiture dans l’attente de la prochaine vague d’importation parallèle ? Ici, nous ne pourrons que rapporter les propos de Boaz Vaper au cours de cette même commission de 2004 : «Selon notre estimation, l’importation parallèle n’aura qu’une faible implication sur les prix, surtout dans les tranches les plus grandes du marché (c’est-à-dire les voitures populaires et bon marché) tandis que dans les secteurs du marché dont l’ampleur des ventes est relativement faible, ou pour les modèles de luxe, l’incidence peut s’avérer plus importante.»